dimanche 26 février 2012

Enfants des morts, Elfriede Jelinek



Ma note: 8,5/10

Voici la quatrième de couverture : Dans une paisible villégiature styrienne, à la pension Rose des Alpes, trois morts reviennent tourmenter les vivants : Edgar Gstranz, à peine vingt ans, ancien skieur professionnel de l'équipe olympique autrichienne mort plusieurs années auparavant dans un accident de voiture après une soirée bien arrosée, Gudrun Bichler, jeune thésarde citadine et dépressive suicidée dans sa baignoire, et Karin Frenzel, veuve racornie entièrement assujettie à sa mère, ce personnage tyrannique et borné. Au cœur d'un paysage idyllique (versants enneigés, vastes panoramas, auberges accueillantes et serveuses tourbillonnantes en dirndl), les trois morts-vivants, dans un perpétuel memento mori, porte-voix de tous les humiliés, toutes les victimes innocentes de l'Autriche, se réincarnent pour tuer, violer, torturer, écharner les vivants. Dans cette gigantesque farce macabre, longue dérive hallucinée qui emprunte aussi bien au pamphlet qu'au policier, à l'allégorie baroque qu'au roman de divertissement, ce grand pandémonium où les morts tendent un miroir à des vivants fantomatiques, Jelinek poursuit et achève son voyage au bout de la nuit autrichienne.

C'est probablement le roman le plus original que j'ai lu. Un des mieux écrits aussi. Comme ma note en fait foi, j'ai adoré "Enfants des morts".

Je ne m'attendais pas à ce genre de roman. Parce que contrairement à la quatrième de couverture, le roman en lui-même n'a pas véritablement d'histoire et encore moins d'intrigue. Tout au long de ce pavé, un flot continu de paroles nous proviennent avec plus ou moins de liens entres les thèmes, non plus de conformité à l'art du roman. On est dérangé, c'est le moins qu'on puisse dire et les pages renferment une noirceur sans nom. Elles nous étouffent, nous torturent, nous rendent mal à l'aise. Le nihilisme qui se dégage de l'oeuvre est sans égal dans la littérature, ce qui en fait un des romans les plus difficiles à lire qu'on puisse trouver.

En plus, il n'y a aucun dialogue et les sauts de paragraphes sont rares. Ce long objet littéraire non identifié est ardu à lire et malgré un petit essoufflement à partir du milieu, je crois qu'on ne s'ennuie pas si on sait comment prendre le roman. Il faut le prendre tel qu'il est, c'est-à-dire comme une charge à fond de train de Jelinek contre la société, la vie et ultimement la mort.

Il n'y a pas vraiment de comparable dans la littérature, en tout cas pas où s'arrête ma culture littéraire. Cependant, on pourrait citer Bret Easton Ellis pour l'originalité et la critique sociale. Par contre, Jelinek est moins moralisatrice et son écriture est plus puissante, plus profonde, plus littéraire, plus métaphysique si je peux m'exprimer ainsi.

Donc, cela débouche sur un livre renversant et surtout sur une écriture qui prend le pas sur l'histoire. Celle-ci s'efface donc au profit du style de Jelinek. On aime ou on n'aime pas ce style lourd, corrosif et qui peut produire un peu de poésie. Selon moi, sans être un chef-d'oeuvre (parce que l'histoire devient trop effacée), c'est un grand livre.

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