jeudi 25 avril 2013

Le nom de la rose, Umberto Eco



Ma note : 7/10

Voici la quatrième de couverture: Rien ne va plus dans la chrétienté. Rebelles à toute autorité, des bandes d'hérétiques sillonnent les royaumes et servent à leur insu le jeu impitoyable des pouvoirs. En arrivant dans le havre de sérénité et de neutralité qu'est l'abbaye située entre Provence et Ligurie, en l'an de grâce et de disgrâce 1327, l'ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville, accompagné de son secrétaire, se voit prié par l'abbé de découvrir qui a poussé un des moines à se fracasser les os au pied des vénérables murailles. Crimes, stupre, vice, hérésie, tout va alors advenir en l'espace de sept jours. Le Nom de la rose, c'est d'abord un grand roman policier pour amateurs de criminels hors pair qui ne se découvrent qu'à l'ultime rebondissement d'une enquête allant un train d'enfer entre humour et cruauté, malice et séductions érotiques. C'est aussi une épopée de nos crimes quotidiens qu'un triste savoir nourrit.

Le film tiré de ce roman m'avait marqué. Je m'en rappelais avec précision. Une enquête solide, avec de bons acteurs et une ambiance très bien rendue. Le livre, que je lis pour la première fois, me donnait l'espoir d'être encore meilleur, comme c'est souvent le cas pour des adaptations. Eh bien non, je ne sais pas si c'est le fait que je connaissais l'intrigue et le dénouement final, mais ce roman d'Umberto Eco m'a laissé froid.

Il y a pourtant de l'érudition, un souffle certain accompagné par un style d'écriture où  la fluidité épate (même si tout cela reste dans le domaine du "tape-à-l'oeil"). Le roman offre davantage que le film, parce qu'on apprend une foule de choses, mais pour ma part, ce ne sont pas des sujets qui m'intéressent beaucoup a priori. La forme du roman est par contre intéressante. Il se déroule en sept jours et chaque partie est séparée selon l'horaire de l'époque. Il y a deux narrateurs, un premier qui écrit à notre époque (enfin presque) et trouve un livre du Moyen Âge qui lui, sera écrit par le narrateur principal, le deuxième, qui suit Guillaume qui est chargé de l'enquête. On se retrouve donc dans un policier à la sauce moyenâgeuse, où le genre du page-turner est appliqué par l'auteur. On veut en savoir plus à chaque page, le mystère plane, et pour faire court, je dirais que c'est un peu le précurseur du Da vinci code. Les deux protagonistes sont à la recherche du meurtrier et surtout de son motif. C'est surtout cela qui marque l'histoire du "Nom de la rose", le pourquoi de l'histoire sous-jacente.

"Le cimetière de Prague", seul autre roman de Eco que j'ai lu, m'avait lui aussi déçu. Cet écrivain n'écrit pas si bien que certains critiques le disent. Par contre, il prend sept ans pour écrire chacun de ses romans, et on voit la grande recherche et le grand savoir qu'il nous transmet. J'aime quand un auteur prend son temps pour écrire parce qu'on lit trop souvent des romans écrits avec empressement, sans recherche.

Finalement, une fois que l'on enlève la couche d'érudition, il n'en reste qu'un thriller médiéval qu'on pourrait qualifier de moyen (et je sais que la plupart d'entre vous ne serez pas d'accord, c'est votre roman préféré à vie, une révélation, et tout le tralala). Même si l'histoire tourne autour de la philosophie et de sa guerre contre la religion, on est en présence d'un best-seller, ce qui est bien pour faire connaître la philosophie au plus grand nombre. Mais pour ce qui est de ses qualités littéraires, on reste sur notre faim.

mercredi 17 avril 2013

Bartleby le scribe, Herman Melville



Ma note: 8/10


Voici la citation qui tient lieu de quatrième de couverture : "Une fois dans la bibliothèque, il me fallut environ deux secondes pour mettre la main sur le Bartleby de Melville. Bartleby ! Herman Melville, Bartleby, parfaitement. Qui a lu cette longue nouvelle sait de quelle terreur peut se charger le mode conditionnel. Qui la lira le saura." Daniel Pennac.

Pour ceux qui ne connaissent pas cette novella d'une centaine de pages, c'est le récit d'un scribe, nouvellement embauché, et qui devient vite un employé modèle par sa compétence et sa méticulosité, entre autres. Mais après quelque temps, lorsque son supérieur lui donne une directive, il refuse en utilisant systématiquement cette courte phrase : "Je préférerais pas". Il revient encore et toujours avec cette phrase : "Je préférerais pas" qui devient "Je préférerais ne pas", qui redevient "Je préférerais pas" et ainsi de suite. Il dit cette phrase à chaque fois que son patron lui demande quelque chose, aussi minime cette demande soit-elle. Cela débouche sur un questionnement profond de ce même patron.

De Melville, j'avais lu son chef-d'oeuvre, "Moby Dick", où le style d'écriture parfait côtoyait une histoire intéressante avec des personnages d'une profondeur rare en littérature. Ici, on est dans la novella, un genre à mi-chemin entre le roman et la nouvelle. Cette novella fait une centaine de pages, ce qui est difficilement comparable avec "Moby Dick", un roman-fleuve. Mais malgré sa brièveté, cet ouvrage fut analysé par de nombreux penseurs du 20e siècle, notamment par les théoriciens de la French Théorie. Lors de ces analyses, à peu près toutes les hypothèses furent étudiées. Mais ce qui m'a particulièrement intéressé (même si je ne les ai pas lues au complet) c'est l'hypothèse de la négation du langage ou même, et c'est ce qui m'intéressera ici, de la négation de la vie par le héros de la novella. Il répète la même phrase "Je préférerais pas", ce qui place une volonté, un désir au début de la phrase, pour finir par une négation. Une négation comme la vie du héros, Bartleby. C'est comme si Melville démontrait, par cette seule phrase, l'affirmation de la vie, pour ensuite la rejeter, tout comme le fait Bartleby.

Écrit au "Je", du point de vue du supérieur de Bartleby (comme je l'ai déjà dit sur ce blog j'adore les narrations faites par des personnages secondaires ou davantage observateurs comme le fait souvent un Dostoïevsky) et donc, ce narrateur commence dès la première page à parler de Bartleby en écartant, d'une certaine façon, tous les autres scribes ou copistes qu'il a connus dans sa vie (il reviendra un peu sur les autres scribes mais pas longtemps). On est donc averti dès le départ que Bartleby est un personnage hors norme. Et personnellement, je rajouterai qu'il est un rebelle, un insoumis qui, par la négation de la vie et de l'autorité, fait passer les autres humains pour un troupeau optimiste et soumis. Et comme Moby Dick, il est seul contre tous !

En conclusion, je dois dire qu'il y a plusieurs autres angles d'analyses. En quatrième de couverture, Pennac semble attacher beaucoup d'importance au conditionnel de cette histoire (et surtout de cette phrase). Aussi, on peut prendre cette novella avec plus de légèreté, parce que c'est un bouquin parfois drôle, sur le refus de l'autorité, sur la différence, sur la solitude, sur la maladie mentale. Raconté d'une main de maître, ce fut un plaisir de retrouver le talent de Melville avec "Bartleby le scribe".  C'est une novella à part dans le paysage littéraire...et elle est remarquable !

mercredi 10 avril 2013

La peau de chagrin, Balzac



Ma note: 8/10


Voici la quatrième de couverture: Un jeune homme veut mourir. Il entre par hasard chez un antiquaire et ce dernier lui fait cadeau d'une peau de chagrin couverte de signes mystérieux. Attention, la peau réalise tous les désirs, mais la réalisation de chacun d'eux la fait se rétrécir et raccourcit d'autant la vie de son possesseur. Ce jeune homme va être comblé de richesses et d'amour, seulement, il prendra peur de tous ses désirs et sera incapable de supporter le destin qu'il a choisi en acceptant le terrible talisman... "La peau de chagrin" est l'un des plus célèbres romans de Balzac : il a passionné tous les âges et tous les publics.

Voici le roman qui me réconcilie avec Balzac. Il était temps ! J'avais lu au Cégep, lors d'une lecture obligatoire, un ennuyeux roman de cet auteur dont je ne me rappelle même pas le titre et ensuite, plusieurs années plus tard, je lisais et critiquais sur ce site le très décevant "Le père Goriot", présenté comme son supposé chef-d'oeuvre. Eh bien non, il m'a fallu "La peau de chagrin" pour bien me faire apprécier le talent exceptionnel de cet auteur. Cela grâce au blogueur Nomic qui me l'avait judicieusement conseillé lors de sa critique.

Balzac use de son procédé descriptif habituel. Avant d'entrer dans l'action, il place ses longues descriptions, tout le contraire d'un Tolstoï qui lui, entre dans l'action avec sa "caméra" en décrivant le décor au fur et à mesure qu'il nous est dévoilé par l'action des personnages. Cela conduit en une lecture plus difficile pour Balzac alors que Tolstoï est davantage facile pour notre époque.

Avec "La peau de chagrin", Balzac mêle le fantastique et le réalisme. Il est de toute évidence influencé par le "Faust" de Goethe et par la suite il semble avoir fortement influencé Oscar Wilde et son "Portrait de Dorian Gray". De très grandes similitudes rapprochent ces oeuvres et particulièrement le fait que les personnages vendent leur âme au diable. Avec celui qui nous intéresse ici, on est, en plus du fantastique et du réalisme, proche de la philosophie parce que c'est un roman sur le désir et ses conséquences, sur sa brutalité, etc. Le personnage principal obtient ce qu'il veut mais finit par perdre peu à peu son âme, son esprit, son corps. Le roman est très bien écrit, la plume de l'écrivain coule d'une façon extraordinaire, inatteignable pour la plupart des écrivains. Il y a plein de poésie dans ce roman, notamment lors des descriptions où Balzac est à son meilleur. C'est un des romans fantastiques les plus puissants qu'il m'ait été donné de lire. Le début m'a particulièrement accroché lorsque Raphaël perd tout au jeu, veut se suicider mais se fait donné par hasard (ou pas) une seconde chance avec la peau de chagrin (chez un anticaire).

En conclusion, même si le roman est considéré par les uns comme étant du genre fantastique et par les autres du genre réaliste, c'est ce mélange qui rend ce livre si spécial. De plus, il s'inscrit dans ce vaste projet littéraire, le premier du genre, qu'est la "Comédie humaine". On y rencontre même Rastignac, le héros balzacien par excellence.

mercredi 3 avril 2013

La montagne magique, Thomas Mann



Ma note: 6,5/10

Voici la présentation de l'éditeur: Un jeune homme, Hans Castorp, se rend de Hambourg, sa ville natale, à Davos, en Suisse, pour passer trois semaines auprès de son cousin en traitement dans un sanatorium. Pris dans l'engrenage étrange de la vie des "gens de là-haut" et subissant l'atmosphère envoûtante du sanatorium, Hans y séjournera sept ans, jusqu'au jour où la Grande Guerre, l'exorcisant, va le précipiter sur les champs de bataille. Chef-d'oeuvre de Thomas Mann, l'un des plus célèbres écrivains allemands de ce siècle, La Montagne magique est un roman miroir où l'on peut déchiffrer tous les grands thèmes de notre époque. Et c'est en même temps une admirable histoire aux personnages inoubliables que la lumière de la haute montagne éclaire jusqu'au fond d'eux-mêmes.

Voici un roman initiatique dans la plus pure tradition de ce terme. Avec "La Montagne magique" on pourrait presque dire que c'est le roman initiatique qui influença la littérature moderne. Vraisemblablement, il servit de référence à tous les grands auteurs subséquents du genre. Par contre, on se rend compte assez rapidement que ce livre ne fut pas écrit à notre époque. Tout d'abord, les digressions font référence à des questions bien propres à l'époque de Thomas Mann. La relativité, le temps, par exemple. Aussi, et ce n'est pas péjoratif, au contraire, c'est le style de l'auteur qui ne frappe pas par sa contemporanéité. En effet, chaque mot est judicieusement choisi, le roman est très littéraire sans même un soupçon cinématographique (comme on le retrouve trop souvent de nos jours). Le roman aurait pu facilement être linéaire, parce que ce genre en particulier nous offre souvent ce défaut, mais il ne l'est vraiment pas. Tout est nuancé, tout est beau.

En plus de l'oeuvre de Murakami, je vois "La Montagne magique" un peu comme le précurseur du roman de Gao Xingjian "La montagne de l'âme". Non seulement ont-ils un titre semblable où la montagne joue le rôle de métaphore, mais aussi, on découvre un personnage qui poursuit son exploration du monde des idées, de l'âme, de la philosophie. La narration est par contre différente de "La montagne de l'âme" parce que Thomas Mann utilise une narration plus classique, et aussi, le personnage principal traverse un peu malgré lui sa conscience (et son inconscient) alors que dans "La montagne de l'âme" le héros y allait d'une traversée plus physique de la vie.

Les digressions sont partout dans ce roman. La médecine, la science, la philosophie, la spiritualité, la psychanalyse, la métaphysique et bien d'autres sujets y sont traités. Il n'y a pas vraiment de thèmes principaux dans ce roman, tout est mélangé, les idées sont présentées de façons diverses. Et même s'il y a de nombreuses digressions, cela reste tout de même un roman. On n'est pas dans l'essai déguisé en roman.

Cependant, pour conclure, je dois dire que "La Montagne magique" m'a ennuyée plus souvent qu'elle m'a émerveillée. Je n'ai pas retenu beaucoup de ma lecture. Je croyais au départ que j'aurais un roman dans le style et du calibre de "L'homme sans qualités" de Robert Musil (deux auteurs souvent rapprochés), mais c'est incomparable tellement "L'homme sans qualités" est supérieur à celui-ci. Par contre, dans la deuxième moitié, les questionnements deviennent plus importants et cela sauve une première moitié ennuyeuse sur tous les plans. Elle m'a réconciliée avec ce roman, ce qui m'a permis de lui placer une note respectable.